#40 - Objet : Avoir un mono-neurone

Celui avec la PB

Chère DNLP
10 min ⋅ 28/09/2023

Avignon, hiver 2015-2016.

Chère DNLP*,

Il paraît que la Pregnant Bitch a le cerveau moins bien irrigué car tout son sang est priorisé vers son utérus. Je sais pas si c'est vrai et je dis pas ça pour me trouver une excuse, mais quand même Chère DNLP, pour ce que je m’apprête à te raconter, tâche de d’abstenir de me juger. 

Ce phénomène physiologique est aussi appelé « avoir mono-neurone de grossesse » (oui, juste UN neurone, ça fait pas lourd, je le concède). En bonne dinde (farcie, uh-uh), je n’échappe pas à la règle, et je vais en outre te montrer aujourd’hui qu’une PMette angoissée donne nécessairement une PB flippée.

« Au quotidien, prenez les transports en commun »

Un matin, j’ai une course à faire en centre ville d’Avignon. Je décide de prendre le bus, histoire de contribuer à mes 10 000 pas quotidien (un peu moins, j’avoue, la PB que je suis s’économise, avec sa tendance à virer baleine)(en parlant de baleine, savais-tu, chère DNLP, que le baleineau ne tète pas sa mère mais absorbe le lait produit par elle flottant en suspension dans la mer ?)(mais je m’égare). 

Je marche donc tranquillou ce matin de novembre en chantonnant (parce que j’ai lu partout qu’il faut chanter pour que TED s’habitue à ma voix. Parler — même beaucoup, tu me connais— ne suffit visiblement pas)(je suis à peu près sûre qu’il s’agit en réalité d’un lobbying de TF1 pour constituer un stock in utero de nouveaux candidats à The Voice Kids). Je marche… et je vois le bus se rapprocher trop vite de l’arrêt. Pour réussir à le choper, il va falloir que je coure. Je monte dans le bus et je me jète sur la première place assise, profitant de mes 10 minutes de trajet pour reprendre mon souffle. 

En descendant du bus, je me sens mouillée. Alors, non, chère DNLP, tu as beau être une coquine, on n’est toujours pas dans un épisode de Youporn intitulé « la femme enceinte et le chauffeur de bus ».
Avec une discrétion confinant à la délicatesse de la baleine plongeant dans l’eau, je passe la main sur mon jean, fermé grâce à l’astucieuse technique de l’élastique au premier bouton, et… il est bien trempé. Précisément au niveau des fesses. Mode panique activé, on se croirait dans This Is Us, au jeu de Randall et Beth, le « Worst case scenario » : fissure-de-la-poche-des-eaux-au-cinquième-mois-immaturité-pulmonaire-naissance prematurée-néonat-couveuse-décès. Vite-les-urgences-au-secours-j'aurais-pas-dû-courir-pour-ce-bus-c'était-une-connerie-bordel. 

Je suis au beau milieu de la rue et je me vois mal baisser mon pantalon pour vérifier ce qu’il en est. Je me ressaisis et j’entre dans une crêperie (tu en conviendras, chère DNLP, autant faire d’une pierre deux coups). Je commande une galette (sarrasin, sans gluten) au Nutella (d’aucuns savent qu’en cas d’urgence, c'est indispensable, le Nutella). Pas de bol, les toilettes sont occupées. Je mange ma crêpe en me renseignant sur Doctimachin : le liquide amniotique a-t-il une odeur ou une couleur particulière ?

Les toilettes se libèrent, je fonce, je me déshabille et j’inspecte. Mon FDC est sec, mais mon jean, humide. Le liquide indéterminé serait-il sorti du dedans de moi par (pour rester dans le thème de la grossesse inoculée) l’opération du Saint-Esprit ou… le siège du bus était-il mouillé ? L’aspirante baleine que je suis se décourage à quitter bottes, chaussettes de contention et pantalon dans les toilettes de la crêperie. J’oublie la course à faire et je rentre directement chez moi (en bus). Je quitte mon jean la porte à peine passée et je renifle l’auréole qui a séché. Pas de doute, à cet endroit, ça sent le sucré. Et même, je suis formelle, la Volvic fraise. Vu que, pendant mon premier trimestre de grossesse, cet élément a été un incontournable de mon alimentation, je ne peux me tromper. Et s’il y a bien une chose sur laquelle les gens de Doctimachin sont unanimes, c'est que le liquide amniotique ne sent pas sucré (Oui. Même quand on passe son temps à se goinfrer de Nutella et autres brioches aux pépites de chocolat sans gluten, j’ai vérifié, chère DNLP, tu penses bien). 

Moralité, la prochaine fois, je prends ma voiture, au diable l’empreinte écologique.

Le verdict

Début novembre, chère DNLP, tu m’as fait un remarquable coup de Trafalgar de derrière les fagots. 

J’ai donc patienté 3 semaines. Le train en stand by au milieu de la voie.

3 semaines à penser à bien respirer entre deux touché de tête de lit. Alors non, ce n’est pas un nom de code pour parler de ma moufette, chère DNLP. C’est à prendre au sens propre : la nuit, quand je me réveille et que mes angoisses m’empêchent de me rendormir, je me mets en mode Coué en me répétant dans ma tête « Y’a pas de raison ma petite Dame. Risque de trisomie = 1/1483. TOUT. VA. BIEN. ALLER. » ET ! Je touche avec ma main notre tête de lit en bois massif. Qui a dit que j’étais superstitieuse ?

Ces 3 semaines ont passé et ce matin, c’est le jour de l’échographie morphologique de contrôle. Celle qui va statuer sur TED et ses kystes aux plexus choroïdes. J’ai revêtu ma panoplie complète : tee-shirt jaune moutarde, grigris porte-bonheur, chaussettes girafes.

Je suis en train de me brosser les dents quand je réalise que, contrairement à ce qu’avait expressément demandé l’échographiste, j’ai oublié d’arrêter de badigeonner ma panse de baleine d’huile (de jojoba bio, anti-vergetures, of course) 48h avant l’examen de ce matin. Voire, je m’en suis même tartiné le ventre avec une grande générosité hier soir. En un clin d’oeil, retirée, la panoplie. À poil, la PB (tu me connais, je fais ça vite fait).

Je suis donc sous la douche, en train de frotter mon ventre avec application ET avec un savon exfoliant, et c’est là qu’intervient ma deuxième épiphanie de la journée : j’ai aussi zappé d’appeler 48h avant pour confirmer mon rendez-vous. La boulette.

...

Chère DNLP

Chère DNLP

Par Anne-Laure Dumont

42 ans, provinciale, mariée et mère de 2 enfants, dont une (au moins) conçue artificiellement. Autrice d’un blog de PMA pendant 8 ans. Je pensais la page tournée. Famille au complet. Clap de fin de PMA. Spoiler alert : on n'oublie pas. En tout cas, moi pas. Je n'ai pas envie d'oublier. C'est ce qui fait qu'elles sont "elles" et que je suis, moi. Et cette toute petite virgule a, en fait, une très grande importance.